samedi 14 septembre 2013

L'incendie




Samedi 3 Août 2013,…

Un samedi commençant comme les autres, avec une matinée comme les autres...
Mon mari programmait dans son bureau, mon fils de deux ans et demi coloriait, dessinait ses compositions d’écriture , ma fille de quatre ans et demi travaillait sur ses exercices de maternelle moyenne section à mes cotés pendant mon moment de coutures et de préparation de la popote pour le repas de midi.
  





Une matinée normale dans notre ferme de trois cent vingt mètres carrés au sol, qui comprenait à l'origine une habitation de quatre-vingts mètres carrés sur un seul niveau, avec une entrée directe dans la cuisine sans eau chaude, d’une salle de douche qui n’avait qu’un espace pour se tourner vers celle-ci ou vers le lavabo, d’un WC et d’une grande pièce de quarante mètres carrés avec une séparation bois pour délimiter la chambre du salon salle à manger. 
Cet espace de vie , auquel nous avions accès par la grange de deux cent quarante mètre carré lorsque nous l’achetions en juin 2000, nous l'avons transformé en une demeure de trois cent quatre-vingts mètres carrés d’habitation sur trois niveaux et deux cent quarante mètres carrés de dépendances.
Depuis le vendredi 2 août 2013, nous venions de finir ces transformations.

Un travail de treize années financé par nos salaires et réalisé par nous-mêmes dès que nous en avions le temps. Des matériaux nobles, comme le bois et la chaux aérienne en majeure partie dans le but de garder la valeur du patrimoine de cette ferme de pierre, bâtie en 1706, tout  en restant dans la sagesse de bons rapports qualité prix par des achats chez le petit fournisseur du coin et quelques grands fournisseurs à prix compétitifs.
Nous l’avions aménagée avec deux caves en sous sol avec accès par les dépendances de la ferme.
Au rez-de-chaussée un espace de grange de cent quatre-vingts mètres carrés laissait de grandes possibilités d’aménagement dans lequel nous avions commencé notre cuisine d’été avec un accès sur une deuxième dépendance de soixante mètres carrés donnant un accès coté rue et un accès coté jardin et à la serre.
L’ habitation de quatre-vingts mètres carrés venait d’être rénovée et se composait d'une petite entrée vestiaire, d’une cuisine équipée, d’une salle à manger/salon, d’un WC et d’une salle de bain et douche avec chauffage au sol.
Nous avions transformé les greniers à foins de la grange en une suite parentale avec une chambre dressing de quarante mètres carrés, une petite salle de douche attenante avec vasque et WC , de quatre chambres dont deux étaient mansardées, d’un palier duplex donnant accès sur une porte fenêtre pour avoir un puits de lumière qui donnait sur la grange , d’un espace patio bibliothèque avec baie vitrée et un balcon donnant sur l’entrée de la grange, un WC avec lave mains et une salle de bain avec bain/douche d’angle balnéo avec une option hammam pour nos invités et le chauffage au sol.
 Nous avions prévu également des rangements avec deux  greniers mansardés.
Au deuxième étage, qui était mansardé sur tout le niveau, nous y avions aménagé une salle de jeux pour nos enfants qui était utilisée dans les moments où je repassais, une salle de repassage et un bureau avec des fenêtres de toit pour un apport de lumière maximum.
Mon mari avait installé pour chauffage principal une cheminée avec un insert turbo de dix sept kilowatts avec une distribution d’air chaud qui nous permettait de chauffer les trois niveaux. Tout était de très bon rapport qualité prix et surtout tout était très économique. La maison était chauffée avec ce système depuis cinq bonnes années.
Pour les moments où nous nous absentions, nous avions quatre climatiseurs réversibles qui nous permettaient de tenir la maison chaude . Une technique de chauffe toujours très économique car elle restituait deux fois et demie plus que ce qu’elle consommait en électricité et un poêle à pellets pour le confort, la décoration et le plaisir.
Les installations lumineuses  étaient  à très basse consommation car composées de quatre vingt dix pour cent d'éclairages à leds.
Nous avions tout calculé pour un avenir très économique.

Un travail assuré depuis le début mais surtout depuis  plus de deux ans avec un assureur de vie suisse par l'intermédiaire de notre courtier.
Bien que nos rentrées d'argent restaient régulières, la banque nous mettait des bâtons dans les roues en s'amusant à refuser certains prélèvements sans nous en informer parce que nous n’étions plus assurés chez elle.
Mais notre courtier nous avisant dès le moindre problème suite aux écrans de situations qui existent entre lui et l'assureur, nous étions toujours en règle.
Un contrat d’assurance remis à jour depuis plus d’un an pour assurer cette extension du lieu de vie non terminé mais en cours de travaux avec tous les outils et matériaux qui y étaient stockés. Une assurance donc à jour même une fois les travaux terminés.

Les travaux finis ce vendredi 2 août et avant de déclarer cette modification aux impôts pour respecter la loi, nous ouvrîmes avec mon mari une bouteille de champagne en amoureux pour l’apéritif du samedi, sans oublier le champagne sans alcool pour nos enfants, pour fêter l’achèvement de ces treize dernières années de travail. 
Nous étions si contents pour nous, oui, mais aussi nos enfants avec leurs nouvelles chambres, et surtout de vraies chambres d’enfants, dans lesquelles nous venions de déplacer leurs meubles, avec une pièce bibliothèque/salle de jeux dans laquelle nous faisions nos exercices sur la Wii…

Nous avions décidé de revendre cette ferme que nous venions de terminer et dans laquelle nous avions ramené tous nos premiers meubles pour finir une cuisine d’été, meubles qui nous servaient dans la maison professionnelle située dans le nord du département.
Cette ferme, nous souhaitions la revendre dans un certain temps pour changer de vie.

Nous vivions , depuis le mois de novembre deux mille douze , sur la revente de nos biens propres que nous avions en double et parfois en triple . 
Notre société principale travaillant pour une grande entreprise métallurgique qui ne nous payait plus depuis le mois d’avril deux mille douze, nous avons dû déclarer un dépôt de bilan nous menant à une liquidation qui provoquât le licenciement économiquement nos quatre salariés cadres.
Ce client nous devait (et nous doit toujours car c’est une pilule dure à avaler) quatre cent vingt mille euros. 

Depuis le temps que nous vivions sur nos réserves, nous arrivions bientôt au bout de nos économies, il était temps de mettre notre  maison professionnelle en vente, et si besoin, dans un certain temps notre maison personnelle.
Avec mon mari, nous avions calculé et planifié le temps qu'il nous faudrait pour rendre le projet de notre nouvelle profession  profitable pour notre nouvelle vie.


  



Vers midi et quart, midi et demi, nous nous sommes attablés pour manger, comme tous les samedis et tous les jours de la semaine.
Après le dessert de nos enfants et notre café, vers quatorze heures, je mis mes enfants à la sieste… oui, bien que notre fille ait quatre ans et demi, elle faisait encore une sieste généreuse de quatorze heures à seize heures alors que son petit frère dormait, lui, au moins une heure de plus.

Vers quatorze heures trente, je donnais des nouvelles par mail à mon beau-père, comme tous les deux à quatre jours puis naviguais sur le net,  pendant que mon mari continuait son travail de programmation sur son ordinateur portable et, dans le but d’être l’un près de l’autre pour continuer à travailler, même pendant les fins de semaines, nous étions chacun avec notre ordinateur portable sur les genoux dans le canapé avec un fond de musique. Une scène très habituelle lors de la sieste de nos enfants qui dormaient au premier étage dans leurs nouvelles chambres.
Le temps passait tranquillement, il était quinze heures.

Soudain, une dame inconnue et non résidente du village (ce que nous supposons car nous ne l’avions jamais vue) sonne.
Mon mari ouvre la porte et la personne lui dit : « vous avez le feu sur votre toit ! »
Mon mari sort, regarde et n’en revient pas.
Il vit une trentaine de personnes adossées contre le mur de l’église regardant le feu, mais aucune d’entre elles ne serait venue nous le dire… cela lui parut bizarre, mais il n'eut pas le temps de réfléchir à tout cela.
Il rentra d’urgence dans la ferme avec un seau rempli d’eau, me demandant en même temps de remplir des seaux d’eau tout en appelant les pompiers.
Je réussi à les avoir  au bout de cinq minutes car entre les casernes des différents secteurs, ce n’était pas facile d’avoir directement les pompiers de deux patelins plus loin.
Le temps d’appeler les pompiers et le temps de ne couler qu’un seau d’eau, mon mari redescendait avec les deux enfants et leurs vêtements dans les bras me demandant de les reprendre pendant qu’il essayait de sauver certaines choses.
Le feu se propagea très vite.
Je lui repris nos deux Loulous, les mis tous deux assis sur le grand congélateur de la grange pour les habiller et les chausser.

Je sortis les Loulous devant la maison en les mettant assis sur le pare-choc de la camionnette et en leur demandant de ne pas bouger. 
Retournant chercher mes papiers, mon sac, les quelques sous qui étaient dans la maison, le sac à langer dans lequel je rangeais toujours une tenue de rechange, leur carnet de santé et la petite pharmacie nécessaire.
Mon mari me dit : « c’est fini, il faut sortir, c’est trop dangereux, tout le haut est en flamme, le toit va s’écrouler. Je vais voir ce que je peux récupérer en bas mais que personne ne rentre, c'est trop dangereux. »
Au moment où je ressortais pour retrouver mes enfants, une voisine commença à les prendre par la main mais je lui dis de laisser mes enfants car j’étais là pour m’en occuper. Pendant que je m’écartais de notre propriété avec mes enfants en m’asseyant avec eux sur les marches de l’église, j’entendais les bois de notre toiture crépiter.

Mon mari ressortit une première fois avec ma machine à coudre et me demanda si j’avais pensé à reprendre les quelques sous qui restaient dans la maison. Je lui répondis que oui et il retourna une seconde fois où il réussit à sortir nos deux ordinateurs portables sur lesquels nous étions en train de travailler.

Il s’assit à nos cotés et me dit: "Ce n’est plus possible de rentrer dans la ferme suite aux fumées. Je ne pouvais même pas voir à deux centimètres devant moi à cause des fumées et des flammes qui léchaient le plafond mansardé. Tous les ordinateurs du bureau sont finis. Il n’y a plus qu’à attendre les pompiers."

Les pompiers ont mis trente cinq minutes pour venir d’un patelin qui est à quatre minutes en voiture.

Tout crépitait , nous entendions les pièces de bois, poutres maîtresses de la partie faîtière de la toiture, s’effondrer au dessus de notre chambre qui était elle-même au dessus de notre pièce de vie principale… un bruit que je n’arrive pas à retirer de ma tête…
Mon mari se releva pour informer un pompier que deux bonbonnes de gaz  quasi neuves étaient au rez-de-chaussée à droite coté jardin, dont une branchée à une cuisinière qui nous servait pour faire les confitures en été.
Aussitôt , un groupe de pompiers partit très vite  en contournant les maisons des voisins pour  retirer de toute urgence ces bombes explosives.

Mon mari revint à mes coté et m’informa que nous repartions dans notre maison professionnelle dès que nous serions libérés des questionnaires des pompiers et des gendarmes.
Je lui répondis : « oui, on verra ».
Il est vrai que de toute façon, c’était la seule solution pour être encore un peu chez soi, mais je croyais encore possible qu'une fois le feu éteint nous pourrions dormir dans la nouvelle zone de la maison que nous venions de finir de réhabiliter.

Un ami qui habitait en bas du village nous rejoint l'air un peu désemparé par ce qui nous arrivait.
Désolé de voir tout ces travaux que nous avions finis s'envoler en fumée.
Sa compassion et son soutien moral jusqu'à notre départ nous apportèrent beaucoup.
Merci.

Mais le feu continuait. Les baies vitrées que nous avions montées pour recevoir un maximum de lumière ainsi que les fenêtres de toit situées coté jardin commencèrent à exploser et soudain, à nouveau de forts crépitements suivis d’un grand effondrement… la partie faîtière sur toute la surface de la maison s’effondra sur toute la zone du premier étage où se situaient les nouvelles chambres et la seconde pièce de vie et de jeu… un frisson descendit le long de mon dos, je serrai fort mes enfants dans mes bras et posai ma tête sur l’épaule de mon mari assis à mes cotés.
Rien ne coulait de mes yeux en voyant notre toit s’effondrer, je pensais à notre avenir, un peu plus à notre avenir proche et surtout aux lendemains avec nos enfants.

Mon mari me dit :
«  C’est bizarre comme quand je suis sorti pour voir les flammes sur le toit, il y avait déjà au moins trente personnes du village adossées au mur de l’église et tout autour. Comment pouvaient-ils rester là à regarder le feu sans nous prévenir de quoi que ce soit. Car vu leur position , ils étaient présents depuis un bon moment ! C’est bizarre… »
Je lui répondis : « de toute façon, ils étaient tellement jaloux de notre développement,… et puis souviens-toi du maire qui t’a fait de grands "coucou" avec un sourire narquois la dernière fois que tu l’as croisé et juste après que nous ayons mis en vente la maison ! Comme  par hasard… »

Un voisin vint en direction de mon mari qui se leva pour le rejoindre. Ce voisin lui dit que derrière, tout était déjà écroulé.

Les pompiers qui étaient allés de l’autre coté pour retirer les bonbonnes de gaz revinrent victorieux de leur mission et reprirent leur travail avec les autres pompiers. 
Un total de  cinq camions de pompiers de différentes casernes étaient présents et lorsque d’autres repartaient, d’autres arrivaient. C’était un roulement de camions pour tenter d’éteindre les rouleaux de feu qui se propageaient, consumaient le premier étage avec de forts crépitements et déjà de nouvelles explosions, certainement dues à certains outils qui se trouvaient dans le grenier du premier étage, mais également aux fenêtres des chambres qui donnaient sur ce que nous appelions également le patio qui était l’espace de vie, de jeu et la bibliothèque de la maison.

Après avoir répondu aux questions des gendarmes,…



Mais aussi après leurs avoir posé également quelques questions de notre côté car tout était si surprenant, alors qu’il avait fortement plu dans la nuit du vendredi au samedi . Le matin même, je reçus un mail de mon beau-père qui me demandait si nous n’étions pas trop mouillés auquel je répondis:
« Hormis un réveil vers cinq heures du mat' où nous avons entendu un peu l'orage et des trombes d’eau, aucune catastrophe. » ce qui à l’instant T était vrai.
Un incendie très dur à comprendre.
Et encore une fois, tous ces villageois spectateurs qui nous regardaient sortir… et qui étaient tous là avant que nous ne nous rendions compte de quoi que ce soit et avant que nous ne soyons avertis par cette dame que nous n’avions jamais vue… car étant donné le monde et les positions de ce monde, nous aurions dit qu’ils étaient posés depuis un moment, en plein milieu d’un film fantastique !
Oui, et plus le temps passe et plus nous nous posons de questions…



…nous partîmes vers dix sept heures, en direction d'une grande surface pour y faire le plein du minimum vital et réaménager le bâtiment professionnel, qui était à deux heures de route, dans le but d'essayer d’y vivre un certain temps.

La maison était dévastée.



Prochainement ... la suite.